Chevron Corp. c Yaiguaje: la Cour suprême précise la compétence des tribunaux ontariens pour reconnaitre et exécuter des jugements étrangers (in French only)

By Eric D'Aoust
November 11, 2015

xLa Cour suprême du Canada a récemment rendu sa décision dans Chevron Corp. c Yaiguaje, 2015 CSC 42, une affaire portant sur la reconnaissance et l’exécution d’un jugement étranger.

Cette affaire concerne une décision de l’Équateur accordant des dommages-intérêts pour des dommages environnementaux que Chevron Corporation aurait causés en Équateur. Les Cours équatoriennes ont condamné Chevron à payer 15 milliards de dollars US en dommages-intérêts (la somme a été réduite en appel à 9,51 milliards de dollars US).

Ne réussissant pas à faire reconnaitre et exécuter le jugement aux États-Unis, où se situe le siège social de Chevron, les demandeurs se sont adressés à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. La signification de cette demande de reconnaissance et d’exécution s’est faite conformément aux Règles de procédure civile de l’Ontario qui permettent la signification à l’extérieur de l’Ontario (au siège social de Chevron en Californie) et la signification à une personne morale en Ontario (au bureau de Chevron Canada à Mississauga).

En première instance, le juge a donné gain de cause aux demandeurs, mais a exercé son pouvoir à surseoir à l’instance selon l’article 106 de la Loi sur les tribunaux judiciaires. En appel, outre la question de sursis, la Cour d’appel a maintenu la décision du juge de première instance.

En Cour suprême du Canada, la Cour a procédé à un survol détaillé de sa jurisprudence en matière de droit international privé et a répondu à deux questions en litige.

1) Dans une action en reconnaissance et en exécution d’un jugement étranger, doit-il exister un lien réel et substantiel entre le défendeur ou le litige, d’une part, et l’Ontario, d’autre part, pour que la compétence soit établie?

Réponse : Non.  La Cour note que « [d]ans les actions en reconnaissance et en exécution de jugements étrangers dans les limites de la province, c’est l’acte de signification fondé sur un jugement étranger qui confère au tribunal ontarien la compétence à l’égard du défendeur » (voir: para 27).

De plus, contrairement à la situation d’un tribunal de première instance qui doit déterminer sa compétence sur le fond de la réclamation, le tribunal de reconnaissance et d’exécution aide à l’acquittement d’une obligation existante (voir : para 44). Il faut donc tenir compte des notions de courtoisie et de réciprocité en droit international privé (voir: paras 51 et 69) ainsi que la réalité économique à l’ère de la mondialisation et des échanges électroniques (voir : para 57). Ainsi, la présence de biens en Ontario n’a aucune incidence sur la compétence des tribunaux en matière de reconnaissance et d’exécution.

2) Les tribunaux ontariens ont-ils compétence à l’égard de Chevron Canada, une tierce partie au jugement dont on demande la reconnaissance et l’exécution?

Réponse : Oui. La Cour conclut que les tribunaux ontariens ont compétence à l’égard de Chevron Canada sur la base des fondements traditionnels de la présence de l’entreprise en Ontario (voir : paras 85, 86, 90 et 94).

Conclusion

Malgré ces conclusions, la Cour mitige la portée de sa décision à l’égard des intimés et note que «ce n’est pas parce que l’on conclut à l’existence de la compétence qu’il s’ensuit nécessairement que celle-ci sera exercée ou qu’il convient de le faire » (voir: para 77).

Il sera intéressant de suivre le déroulement de cette affaire devant les tribunaux ontariens au cours des prochaines années et de voir l’application de la décision de la Cour suprême dans d’autres causes.


Eric est un avocat au sein du Groupe de litige.  Vous pouvez communiquer avec lui au 613.566.2843 ou au [email protected].

 

Download PDF

Latest in Newsroom